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Da Vinci Code

574 pages lues en deux jours : inutile de faire le tiède, j’ai dévoré ce bouquin. Pourtant, je ferais bien de ne pas trop m’emballer, c’est des coups à perdre toute crédibilité dans l’underground ça, avouer qu’on s’est goinfré d’un chef-d’œuvre de la littérature mondialisée.

D’ailleurs, il faut bien le dire, ça commence très mal. Dès les premières pages on sent le style naïf et didactique des livres où on vous explique bien, pour que vous compreniez, et la ménagère aussi ; c’est clair, pas de surprise formelle à attendre, on ne donnera pas dans l’invention littéraire ici. Et avec ça, d’entrée, une grosse légende urbaine : les 666 losanges de la pyramide du Louvre. Là, vous êtes à la page 32... moment d’hésitation.

Quelques pages plus loin, c’est l’étalage de science, des commentaires à la Balzac mais plus dépliant de musée... Néanmoins, passé cinquante pages, et une fois qu’on a pris son parti du didactisme, ce codex est un grand moment de bonheur. Tout va y passer : Vinci, le paganisme, les francs-maçons, le tarot, le Graal [1] et surtout : Jésus marié à Marie-Madeleine, et papa !

Oui, ça semble fort comme ça mais l’énumération y est pour beaucoup. En fait, tout arrive tranquillement, pierre par pierre (pauvre Pierre ! [2]), et vous laisse au final un peu pantois, devant un ouvrage parfaitement construit, qui vous irradie de sa lumière ! À ce stade vous vous tapez sur le front en vous exclamant : "mais pour sûr mais c’est bien sûr !" avant de retomber sur terre parce qu’il ne faut pas déconner non plus, s’agit pas de prendre une masse et d’aller au Louvre casser des dalles pour défouir les reliques de Marie-Madeleine !

Ce bouquin est réjouissant. D’abord pour le plaisir qu’il donne, ensuite pour le condensé d’histoire ésotérique qu’il propose, et enfin pour la gentille douleur qu’il provoque au postérieur de cette brave Église catholique et romaine, grande conteuse d’histoires pour enfants devant l’Éternel, et inquisitrice à ses heures. Oh, j’imagine déjà la réplique : "encore un coup des anglicans !"... un joli coup en tout cas, qui pourrait faire un petit peu mal quand même, à plus de dix millions d’exemplaires... Ah, décidément, la Rose a des épines ! C’est intéressant ça aussi, de voir éclore un best seller qui nous ressort les traditions du Féminin sacré et de l’église de Marie-Madeleine au moment où, dans le monde occidental, la femme est certainement à l’aube de véritablement prendre la part de pouvoir qui lui revient.

On notera aussi que Dan Brown n’oublie pas de se faire, au moyen d’une classique mise en abîme [3], le prophète de cette évolution - y a pas de mal à se faire du bien. Enfin on n’en finirait pas de parler de ce livre, simplet à la manière d’un Monde de Sophie, mais tellement envoûtant ! On se doute bien qu’on n’a pas vu tous les clins d’œil, tel le grand Maître qui s’appelle Saunière, comme l’abbé ! Mais allez, il faut bien retourner aux études et reprendre sa quête, sub rosa.

[1A propos de ce graal, Dan Brown nous explique après d’autres que le terme viendrait d’une distorsion de san gréal, qu’il faut lire sang réal soit sang royal. Dans une lettre de Rabelais à Antoine Hullot du 1er mars 1542, on lit : ... les bons vins, singulièrement celui de veterin jure enucleando lequel on garde ici à vostre venue, comme un sang gréal et une seconde, voyre quinte essence.

[2La femme dont parle l’apôtre Pierre est Marie-Madeleine. Pierre était jaloux d’elle.[...] A ce point du récit, Jésus, sachant que sa fin est proche, vient de donner à Marie Madeleine ses instructions sur la façon de tenir son Église après sa mort. Et Pierre est furieux d’apprendre qu’il va devoir jouer les seconds rôles sous les ordres d’une femme. (P 310)

[3un des deux personnages principaux, l’homme, écrit un livre qui va révéler au monde les "secrets" que Dan Brown "révèle" lui-même.

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