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Lui, c’est pas ça...

L’été dernier, j’avais rencontré Joëlle Gardes au festival du livre de Saint-Vaast-La-Hougue où elle dédicaçait son livre sur Louise Colet. Je ne connaissais "la muse" qu’à travers la correspondance de Flaubert ; la biographe et sa biographie ont su me convaincre de découvrir la prose de celle que la critique littéraire a relégué au rang de bas-bleu. Faisant abstraction des critiques bienveillantes, j’ai donc téléchargé Lui sur Gallica, et j’ai lu... le pensum.

Vraiment, j’aurais aimé contredire Yvan Leclerc jugeant définitivement, à l’unisson de la coterie flaubertienne, "le plat roman de Louise Colet [qui donne] rétrospectivement raison à Flaubert quand il écrivait à la Muse qu’avec la passion personnelle, on fait de la détestable littérature". Hélas, il faut bien convenir à la fin de ce Lui, plus ennuyeux que le magazine moderne, qu’on a été au bout uniquement pour sa petite touche d’histoire littéraire people. Oui, la peinture vacharde de Sand, la description incarnée du romantisme (Albert de Lincel, alias Alfred de Musset), la goujaterie des hommes (du XIXe)... tout ça procure un intérêt sporadique qui fait tourner les pages. Mais enfin, mal fagoté dans sa structure qui impose grossièrement un récit imbriqué, ce court roman au style commun - mais propre - paraît bien long et ne mérite pas qu’on le sorte de l’oubli.

J’avais noté cette phrase de Joëlle Gardes : "excessive parfois jusqu’au ridicule, Louise Colet était surtout enthousiaste, généreuse, engagée, et, dans la mesure du possible, libre." Et vraiment, je veux bien croire qu’il n’était pas simple d’être une femme écrivain sans fortune au 19è siècle. Mais toute la sociologie du monde ne fera pas de l’art là où il n’y a qu’une chaleur. "Je lus d’abord les vers d’Albert [Musset] ; je fus attendrie par cette poésie suave et molle" nous dit la marquise [Louise Colet]. Soit, mais outre qu’on ne partagera pas tous cet attendrissement pour le style suave et mou, on pourra s’amuser de la transparence de l’auteure qui a montré que la marquise n’était pas folle de suavité et de mollesse ("Les pures caresses de mon fils me fatiguaient ; j’avais un désir impossible d’autres étreintes"...).

Comme la marquise aime Léonce, Louise Colet aimait Flaubert ; comme Antonia Back éclipse la marquise, Louise Colet n’a pu atteindre au statut de George Sand ; comme la marquise ne peut se satisfaire des restes pathétiques d’Albert de Lincel, Louise Colet pouvait bien se dire que Musset valait mieux que Flaubert, il avait quand même un truc en moins... Tremper sa plume dans cet encre-là ne peut rien donner de bien grand. Louise Colet, aujourd’hui, pourrait être prof de lettres ou journaliste et faire de la littérature-réalité comme les Angot, Laurens, Ernaux etc. Au XIXe, c’était plus compliqué. Dommage, mais pas tant que ça.

Les clés des personnages :
Antonia Back : George Sand
Albert de Lincel : Alfred de Musset
Stéphanie de Rostan : Louise Colet
Léonce : Gustave Flaubert
Frémont : Buloz
Duchemin : Villemain
René Delmart :Antony Deschamps
Duverger : Béranger
A. de Germiny : Alfred de Vigny
A. Nattier : Alfred Tattet
Lord Melbourne : Lord Seymour.
Sainte-Rive : Sainte-Beuve

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