Accueil > Choses > Dans le gras de la cuisse
L’épisode 69 des Sopranos suffirait à justifier de toutes ces heures passées devant cette série, s’il y avait besoin de se justifier naturellement. Un épisode très riche, qui mêle philosophie, critique sociale et pamphlet anti born again, le tout dans une ambiance aussi dramatique que poilante.
La philosophie, elle sort de la bouche de Schwinn, un scientifique atteint d’un cancer du larynx. Assistant à un match de boxe dans la chambre d’un rappeur touché par sept balles aux côtés de Tony en convalescence pour sept fois moins, Schwinn explique que les deux boxeurs ne font qu’un, en fait, comme deux vagues participent de la même onde ou deux tornades du même vent ; le monde n’est qu’une soupe moléculaire dans laquelle tout est connecté, les formes que nous percevons n’existent que dans notre conscience [1].
Cette idée captive Tony, assez traumatisé par les expériences de dépersonnalisation onirique endurés dans un coma récent. La physique et la métaphysique intéressent soudainement le boss qui aimerait bien au moins trouver une réponse à la question "ou vais-je ?", car ces rêves lui ont fait entrevoir quelque chose qui pourrait bien ressembler à l’enfer...
Du coup, Tony accepte d’écouter les sermons d’un révérend venu à l’hôpital pour soutenir un médecin pro life. Le type est une belle figure d’allumé néo-chrétien à la Bush. Tony, qu’on sent assez contraint, consent à subir le bonhomme, jusqu’au moment où celui-ci entreprend de corriger son livre sur les dinosaures. Dieu a créé le monde en 6000 AVJC, Adam et Eve les ont donc côtoyés contrairement à ce que prétendent les suppôts de Darwin. À ce dogmatisme fanatique, Tony, expert en manipulation, préfère la science.
La grande question de cet épisode, c’est la relativité. Qui est le menteur dans ce microcosme hospitalier ? Tony le mafieux ? Le rappeur qui veut se prendre une balle pour la crédibilité ? Le prédicateur ? A moins que ce ne soit le système dans son ensemble...
Une charmante jeune femme en blouse blanche visite les malades ; elle n’a rien à voir avec la médecine, c’est une employée de la société d’assurance que Tony, comme tous les américains, a dû souscrire pour bénéficier d’un droit aux soins. Ce vautour, qui a pour mission de renvoyer les patients le plus rapidement possible chez eux, explique au boss qui lui donne assez vite du "silly cunt", qu’il n’a pas à se plaindre, qu’il aurait pu échouer, sans son assurance, à l’hôpital public où Dieu sait comment il aurait été soigné.
La société américaine est à l’image de cette jeune femme so glamour, elle accorde volontiers ses faveurs aux gangsters, pourvu qu’ils puissent payer. Cela dit, cette société est aussi capable de produire des programmes télé de divertissement qui touchent quelquefois au génie. On n’en est pas tous là.
[1] C’est la matrice naturelle des anciens que les auteurs de Matrix ont transformé en matrice numérique.
© plinous (commis le vendredi 27 avril 2007 et déjà lu fois !) | contact | ? | tout