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Tintin dans le texte

Hergé écrivain est un patchwork d’études plutôt qu’un "essai" comme l’annonce la quatrième de couverture. Ces études, à l’exception de la dernière sur la question "belge" qui permet d’atteindre les deux cents pages, ont pour objet l’étude du texte dans les aventures de Tintin, étude du texte dans son contexte visuel - l’image, le strip, la planche - mais également pour lui-même. En bon élève des Barthes, Genette et consorts, Baetens entend en effet montrer que le tExTe est l’élément primordial de l’œuvre d’Hergé, l’écrivain. Huit chapitres disparates sont censés appuyer la démonstration. Chacun d’eux propose une dissection d’éléments textuels sous un éclairage particulier. Dans le chapitre 3 intitulé De Hadoque à Haddock on peut lire ceci par exemple :

C’est dans la "normalisation" d’une graphie archaïque - HaDoQUE devenant HaDDoCK- que se manifeste l’être d’Archibald, à la fois proche de François de HADOque et de son pire ennemi, RaCKham le Rouge. (P.57)

Soit une observation fouillée et plutôt intéressante. Le livre en comporte beaucoup, d’observations fouillées. Et certaines vont même chercher très profond. En relisant les Bijoux de la Castafiore, Baetens découvre le véritable sens de l’enquête que mènent les Dupondt :

S’il est vrai que les joyaux sont des êtres animés, rien n’interdit d’y voir, par une dérivation métonymique, non le sexe féminin ou l’orifice matriciel, mais l’enfant. Si on relit dans cette perspective l’autre terme clé de l’interrogatoire, qui est lumière, cette piste se révèle tout sauf un cul-de-sac. A côté du mot mère que l’on y épelle par endogramme ("luMiÈRE"), un anagramme du lexème entier, mais dépouillé de son i, fait surgir un plausible synonyme de Haddock : mère-lu, merlu. Les Dupondt accuseraient-ils le capitaine du vol des bijoux de la Castafiore ? (P.155)

À ceux qu’une telle lecture laisserait dubitatifs, Baetens, dans une conclusion assez unique, répond :

Les réseaux textuels patiemment élaborés sont trop solides pour qu’il soit possible de les récuser comme le fruit d’une imagination débridée ou de quelque lecture tirée par les cheveux. (P197)

On se le tiendra donc pour dit. Ou pas. Reste un livre qui complète Les Métamorphoses de Tintin d’Apostolidès, à l’instar de cette réflexion :

Les perroquets des îles ne sont pas des oiseaux quelconques ou anonymes. Ce qu’ils sont, on le sait depuis Le trésor de Rackham le Rouge : les descendants, par le verbe, de François de Hadoque [...] Cette révélation, c’est Tintin qui la formule : "Oui, des perroquets ! De génération en génération, ils se sont transmis le vocabulaire de votre aïeul !..." Aussi est-ce bel et bien à des problèmes de famille et de descendance que ces oiseaux ou perroquets des îles doivent être rattachés. (P 150)

Mais là où Apostolidès dressait le portrait d’une famille en synthétisant l’ensemble des Aventures de Tintin, Baetens propose une série d’analyses, pointues mais inégales.

Hergé écrivain /Jan Baetens. - Flammarion : Champs.

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