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Les temps forts de la Nuit du Démon

Night of The Demon (Rendez-vous avec la peur) de Jacques Tourneur (1957) est une belle réussite du genre fantastique au cinéma. Bien que les producteurs aient tenu à faire apparaître par deux fois un démon en peluche qui fait aujourd’hui bien rigoler (sans doute hier aussi), le principal est préservé : on peut encore hésiter au générique de fin entre explication rationnelle ou acceptation d’une réalité surnaturelle - ou comme les deux "héros", préférer un peut lâchement ne pas savoir. Pour le résumé, et une critique un peu fouillée, je vous laisse avec Francis Moury qui a fait un beau travail : http://www.juanasensio.com/archive/2014/02/02/night-of-the-demon-de-jacques-tourneur-par-francis-moury.html. Je me propose en quelques images de vous donner envie de voir ou revoir ce film simple, efficace et un poil envoûtant.

Temps 1 : J’ai vu le doute en toi s’immiscer

La Nuit du démon : Holden
La Nuit du démon : Holden

Holden est cet archétype d’homme de science un peu suffisant qu’on aime bien déboulonner dans le fantastique. Cette scène où Karswell grimé en clown déclenche (ou pas...) un orage, si elle n’est pas la première intrusion du surnaturel dans le scénario, marque en tout cas le début des hostilités. La rationalité d’Holden prend en effet une vraie claque ; le doute sinon la peur se lit sur son visage, et le grand psychologue sera obligé de battre en retraite pour se réfugier dans la somptueuse demeure de Karswell. Clown 1 - Professeur 0.

La nuit du démon : Holden et Karswell
La nuit du démon : Holden

Ce plan qui clôt la scène la résume par métonymie : ce qui se joue c’est l’opposition du blanc et du noir, de la science et de la magie, de l’homme dans la lumière et de celui qui vit en marge (fût-elle belle), de l’épouvantail et du mannequin... et l’avantage à cet instant est clairement pour le côté obscur.

Temps 2 : l’arrêt fatal

La Nuit du démon : he’s been chosen !
La Nuit du démon : he’s been chosen !

"He has been chosen !" décrête la sympathique Mme Hobart. Là, c’est le spectateur qui est visé. Ce passage chez les rustres qui incarnent la tradition, le paganisme, le lien aux forces primitives... est mis en scène comme une séance de tribunal. La juge, terrible comme une Parque, rend le verdict en désignant le maudit. On se dit à cet instant qu’Holden n’est pas très bien.

Temps 3 : "It’s in the trees ! It’s coming !"

La Nuit du démon : it’s in the trees, it’s coming !
La Nuit du démon : it’s in the trees, it’s coming !

Un bon récit fantastique fait alterner les moments de tension (favorables à l’irrationnel) et les moments où la raison se rassoit. Cette scène du médium offre comme une précipitation de cette valse-hésitation. On passe ici en effet du franc comique, comme lorsque Mme Karswell traduit balourdement les propos du médium ("he means you must give up this investigation" :-), au franchement inquiétant lorsque le mage en sueur semble revivre la fin terrifiante (ou pas...) d’Harrington.

L’épilogue n’est pas le climax

La Nuit du démon : Pazuzu !
La Nuit du démon : Pazuzu !

Il aurait fallu s’arrêter là, dans quelque chose qui aurait pu être comme une apparition. Mais les producteurs ont voulu voir le Pazuzu griffu. Peu importe, le monstre à poil ne tue pas le film car Tourneur arrive à sauver l’ambiguïté, et on ne sait pas au final départir ce qui ressortit à l’imagination de Karswell de ce qui appartient à la réalité. Holden et Joanna semblent s’accommoder un peu légèrement de cette incertitude... sans doute impatients de s’accommoder sur un mode plus terre à terre... Du reste, La nuit du Démon n’est pas à voir uniquement en tant qu’avatar intéressant du genre fantastique. Des grilles de lecture sociologiques, psychanalytiques et esthétiques méritent d’être appliquées sur ce film plus complexe qu’il n’y paraît : Holden est un sans doute un mâle américain archétypique des années 50, un Don Draper avant l’heure ; ces rapports avec Joanna nous invitent à relativiser son statut de dominant dans le couple. Karswell entretient des rapports tordus avec sa mère ; on craint plusieurs fois pour cette dernière, finalement c’est elle qui contribue à la perte de son fils. Sur le plan esthétique, la deuxième photo du temps 1 ci-dessus suffirait à montrer l’attention portée sur les plans clés ; la scénographie de la scène chez les rustres est elle extraordinaire... NB : la première fois que j’ai vu ce film, il y a des lustres, j’avais aimé y retrouver la source de l’intro de Hounds of Love. En matière d’esthétique, la caution de Kate Bush n’est sans doute pas la plus mauvaise.

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