L’entrée de mon aîné en sixième a été l’occasion pour lui de revendiquer une évolution de son statut. Se définissant désormais comme "adolescent", il aurait eu entre autres le droit de regarder à peu près tout ce que Hollywood et Luc Besson peuvent produire en matière de... cinéma ? Nous avons revu ses prétentions à la baisse, en arguant que son âge l’apparentait plutôt à la catégorie des "préadolescents" et que la plupart des nanars qu’il entendait s’infliger étaient proscrits aux moins de douze, voire seize ans.
Néanmoins, en bons parents conscients qu’il ne faut pas couper l’enfant du monde débile dans lequel il est censé s’épanouir, nous avons négocié et finalement trouvé un terrain d’entente : oui aux brucewillisseries, mais en anglais, car tous les pédopsychologues vous le diront : la lobotomisation en version originale confère à l’enfant prépubère une socialisation supérieure dans notre monde mondialisé. Bien. Tout ça pour dire que j’ai trouvé un super prétexte pour lire moins et me farder des films à bastons et vannes foireuses, plus mauvais les uns que les autres, mais quelques fois fort distrayants. Attention à la surdose quand même ; après Noël et son lot de DVD venus du pôle nord, l’indigestion menaçait gravement. Et lorsque mon fils a entrepris d’attaquer son coffret X-men, j’optai pour le break ; non, Magneto et l’autre avec ses griffes, sûrement pas, impossible. Cinq minutes pour voir, c’est tout.
On a donc regardé ensemble toute la trilogie. Le premier volet, je me le suis farci un soir de grande fatigue et parce que mon fils avait vraiment du mal à s’y retrouver dans ce bazar à mutants, il fallait que je l’aide. L’univers X-Men est assez chiant pour un adulte, ces problèmes de vue foudroyante et autre toucher qui tue sentent bien la puberté ; c’est moins lourd que les Ewoks dans Star Wars, mais bon, quand est-ce qu’ils vont y aller bordel !? Néanmoins, je me suis fait le deuxième film sans déplaisir et j’ai carrément aimé le troisième. Il faut reconnaître que certaines idées sont bien illustrées. Les questions du fondement des différences, de la tolérance, de l’évolution - de l’espèce et de l’individu - sont traitées avec malice (Malicia) finalement.
J’ai particulièrement apprécié la métaphore psychanalytique que constitue la transformation de Jean Grey dans l’épisode final. Le subconscient de la jeune télépathe est gravement affaibli suite à un accident ; son inconscient est alors libre de prendre le contrôle de ses pouvoirs ; la jeune femme devient un danger pour elle-même et les autres. On n’est pas loin du "côté obscur" de Star Wars, mais dans une optique plus humaine, moins "universelle" ; ou plus existentielle qu’essentielle. La cause des maux des hommes, et des mutants qui en découlent, est à rechercher en eux, pas quelque part aux tréfonds de l’espace (à moins que l’espace dans Star Wars soit une figure de l’inconscient...) Enfin bref, cette montée en puissance de la colère de la Jean pulsionnelle, cette élévation antéchristique assez flippante est une belle illustration de ce qu’un délire de toute-puissance peut produire quand il s’accompagne de "pouvoir(s)".
En fait, le problème avec les gros produits à teenagers fabriqués par Hollywood n’est pas tant leur potentiel d’abêtissement, qui est variable. Le souci, c’est qu’il faudrait que nos gamins ne s’en gavent pas tout seuls, avec le paquet de chips. Il faut les aider à saisir les trucs qu’on peut choper dans ces grosses productions. C’est le dur labeur des parents ! Eh, y a pire comme souffrance !
© plinous (commis le mardi 16 janvier 2007 et déjà lu fois !) | contact | ? | tout